Alexandre, chef torréfacteur chez Café Pista, revient tout juste d’un voyage à Espirito Santo, au Brésil. Il partage avec nous ses impressions et découvertes, ainsi que les défis auxquels font face les producteurs locaux. Dans cette entrevue, il nous dévoile les dessous de la production de café dans une des régions les plus réputées du pays.
Salut Alexandre ! Tu reviens tout juste du Brésil. Pourquoi ce voyage à Espirito Santo était si important pour toi et Café Pista ?
Salut ! Ce voyage était une opportunité de découvrir une région qui produit certains des meilleurs cafés du Brésil. Contrairement à d’autres parties du pays, où les cafés naturels sont prédominants, Espirito Santo est reconnu pour ses cafés lavés. Cela donne des profils de saveurs plus clairs, fruités et complexes. Le but était de mieux comprendre leurs méthodes de production et de renforcer nos liens avec les producteurs locaux par l'intermédiaire de notre partenaire Osito Coffee.
Quelles ont été tes premières impressions en arrivant à Espirito Santo ?
C’est une région magnifique avec des paysages à couper le souffle, mais dès les premières conversations avec les producteurs, on se rend compte que la situation n’est pas simple. Cette année, les conditions climatiques sont particulièrement difficiles. Il y a eu très peu de pluie, et cela a un impact énorme sur la récolte. On parle d'une baisse de près de 60 % pour le café de spécialité dans la région en 2024. Ça a des répercussions directes sur la qualité du café, qui est normalement exceptionnelle dans cette région. Cette année, beaucoup de lots tournent autour de 77 points sur l’échelle de la SCA, alors que la norme est plutôt de 82.
Parle-nous un peu des producteurs avec qui tu as travaillé. Comment gèrent-ils ces défis ?
Les producteurs sont incroyablement résilients. Beaucoup d’entre eux cultivent non seulement du café, mais aussi des fruits comme la papaye, la banane et même du cacao. J’ai découvert un fruit local, la «Jabuticaba», qui est fascinant – ça ressemble à une cerise, mais le goût est très sucré avec une peau acide.
Les fermes familiales s'en sortent mieux, car toute la famille contribue à la cueillette. Certains producteurs utilisent un système de partage des terres avec leurs travailleurs pour pallier au manque de main d’œuvre. Ce système permet une division du travail et garantit une récolte plus efficace, même dans des conditions difficiles.
Tu mentionnes les impacts du climat. Quels autres défis as-tu observés sur le terrain ?
Le manque de pluie est énorme, mais ce n’est pas tout. Le climat fait que les cerises de café fleurissent plus tôt, ce qui accélère leur maturation. Malheureusement, certaines cerises sèchent sur l’arbre avant même d'être cueillies, ce qui affecte leur qualité.
Il y a aussi un autre problème : les champignons. Lorsque la peau des cerises craque à cause du séchage rapide, des champignons peuvent s’y loger, ce qui donne un goût moisi au café. Ça peut ruiner une récolte entière.
Le manque de main-d’œuvre est aussi un gros souci. Avec les prix actuels du café robusta, les travailleurs préfèrent se concentrer sur cette variété, car elle est plus facile à récolter que l’arabica. Cela affecte la qualité globale de la récolte d’arabica, car il y a moins de soin apporté à la cueillette.
Et en termes de solutions ? As-tu vu des initiatives prometteuses pour surmonter ces obstacles ?
Oui, plusieurs producteurs ont adopté des systèmes de partage des terres, comme je l’ai mentionné. Ça permet de garantir une main d'œuvre plus fiable. D'autres essaient de diversifier leurs cultures pour ne pas dépendre uniquement du café, ce qui les aide à compenser la baisse de qualité ou de quantité de la récolte de café.
Osito Coffee essaie aussi d'apporter une nouvelle approche, en demandant aux producteurs combien ils veulent recevoir pour leur café plutôt que de simplement négocier des prix de marché. Cela aide à instaurer une relation de confiance entre producteurs et torréfacteurs.
Qu’est-ce qui t’a marqué le plus pendant ce voyage ?
C’est fascinant de voir à quel point les producteurs sont innovants et résilients face aux défis climatiques. Ils ne baissent pas les bras. Et malgré toutes les difficultés, ils arrivent encore à produire des cafés incroyables. Je suis aussi reparti avec une meilleure compréhension des efforts qu’il faut pour garantir une tasse de café de spécialité de qualité – chaque étape, du sol à la tasse, est cruciale.
Merci pour ce partage, Alexandre. Un dernier mot pour les amateurs de café de spécialité ?
Je dirais juste de savourer chaque tasse avec gratitude ! Derrière chaque sac de café, il y a des mois de travail acharné et une véritable passion de la part des producteurs. C’est un honneur de pouvoir soutenir ce travail à travers Café Pista.
Photo: La famille Hofmann d'Alfonso Claudio à Espirito Santo.